Charles Journet et le concile Vatican II

Charles Journet fut un observateur très attentif des trois premières sessions. Il s'exprima à plusieurs reprises tant sur le sens profond du Concile que sur les travaux qui s'y déroulaient. Il salua Vatican II avec espoir dans un article paru au moment de son ouverture. Rappelant que les conciles sont les temps forts de l'Église, il se demandait « comment ne pas retrouver en eux ce double caractère de mystère invisible et de miracle visible ? » En tant qu'événement mystérieux de la vie de l'Église, Vatican II « concerne la foi et la charité théologale des fidèles ».
Mais, en outre, au seuil d'une époque de l'histoire où l'humanité tout entière est entraînée, par les extraordinaires progrès de la science et de la technique, dans une aventure sans précédent, il préparera, par son contrecoup sur la marche des événements, des redressements salutaires que les historiens de l'avenir pourront, pensons-nous, enregistrer comme miraculeux. 
Comme pressentant la vision profane que pourrait avoir le public extérieur sur une assemblée à visage humain, de surcroît entourée d'un decorum sans doute légitime mais que les initiatives de Paul VI n'avaient pas encore pu dégager de tout superflu, Journet rappelait l'un des grands thèmes de son ecclésiologie : les grandeurs de hiérarchie sont au service des grandeurs de sainteté. Ces dernières, il en avait la conviction,
seront intensément présentes au concile du Vatican. Cachées d'abord dans les cœurs surtout de ceux des Pères qui mériteront peut-être d'être canonisés plus tard. Mais d'une autre manière encore, car depuis les premiers jours de l'annonce du Concile, tant d'ardentes supplications ont convergé de tous les points de la chrétienté, vers ce moment de la vie de l'Église, pour en faire, sous le regard de Dieu et des anges, un beau foyer d'amour. 
Il précisa, dans un article ultérieur, quels regards peuvent être portés sur un tel événement, à l'instar de la manière dont Jésus était vu au temps de sa vie terrestre, considéré par certains comme un homme semblable aux autres, par d'autres comme un prophète, ou enfin reconnu comme Seigneur :
Il y a semblablement trois regards que l'on peut lever sur l'Église rassemblée en concile œcuménique : celui de l'homme de la rue et du simple lecteur de journaux, celui des observateurs pénétrants qui en discernent l'exceptionnelle importance, et enfin le regard même de la foi théologale. 
Dans la recension qu'il fit du livre d'A. Wenger sur la deuxième session, il se félicita des déclarations du De Ecclesia sur la hiérarchie et la collégialité, mais s'étonna que le projet initial n'ait pas comporté un chapitre sur la sainteté de l'Église. Il fait de Lumen Gentium, selon le P. Torrell, « une lecture éminemment personnelle » en l'étudiant en parallèle avec sa propre synthèse, présentant l'Église comme l'œuvre commune du Christ et de l'Esprit et replaçant la théologie du Peuple de Dieu dans une théologie du Corps du Christ. Notons sa conclusion :
Pour n'être pas nouvelles, ni inconnues de la théologie, jamais ces grandes perspectives n'avaient été affirmées si nettement et si solennellement par la voix du magistère de l'Église.
Dans toute sa démarche théologique et spirituelle, les notions de Nova et de Vetera demeurent toujours ses repères de vérité.
(Biographie, pp. 509-510)