L'enseignement de Charles Journet :
une théologie en lien avec l'actualité



Il commente la Somme de théologie en regard de la situation actuelle. Pendant la guerre, il pouvait, partant de la Trinité, en arriver au général de Gaulle et à la situation internationale. Il n'est pas servilement thomiste. Il suit fidèlement les traces de saint Thomas, quitte parfois à prolonger ses intuitions et à les actualiser. Il ne donne pas l'image d'un scolastique mais dégage au contraire une impression de très grande liberté.
C'était un homme qui revenait tous les samedis-dimanches à Genève, qui voyait beaucoup de gens, qui était en prise avec la pastorale, et qui parlait volontiers de son expérience. 
Il passe, en effet, ces deux jours à recevoir des personnes et à les accompagner dans leur quête de Dieu. Il prêche aussi aux enfants, le dimanche, à la paroisse du Sacré-Cœur.
Alors on avait là une vie vécue parce qu'en référence constante à ce qu'il avait découvert chez ceux qui venaient à lui, leurs questions, leurs joies, leur recherche, leurs doutes. Cela donnait à la théologie quelque chose qui devenait une lumière beaucoup plus qu'un dossier de choses à apprendre.
Son catéchisme aux enfants fait souvent l'objet de ses commentaires du lundi. Il aime à raconter les mots d'enfants qu'il a relevés et qui l'égayent lui-même. Sur la base de ce que lui rapportent ses amis genevois, notamment, après le Concile, à propos des audaces liturgiques ou théologiques de certains prêtres, ses réactions sont parfois déconcertantes pour les étudiants, qui prennent cela pour une sorte de dureté. Il est vrai qu'on ne lui a souvent montré que le mauvais côté des choses. Toujours est-il qu'il n'est pas déconnecté de la réalité. Les positions courageuses qu'il assuma pendant la Seconde Guerre mondiale trouvent leur source dans ses convictions thomistes et, rejaillissent dans ses cours ; ses élèves s'en font l'écho.
C'était pendant la guerre. Il réfléchissait beaucoup aux aspects d'éthique fondamentale qu'il y avait sous le nazisme, à la guerre, sous toutes ses manifestations sociales, terribles en ce temps-là. Il prenait parti très fort : pour les chrétiens, les évêques qui osaient dire la vérité de l'Église sur le plan social, en France et en Allemagne. Il nous vantait surtout les évêques allemands, il nous démolissait les évêques français. C'est ce qui nous intéressait, nous. C'était un homme engagé.
Ainsi, d'un article de la Somme, il passe facilement à l'actualité et les étudiants sont friands des excursus de Monsieur Journet.
Selon eux, il était exigeant du point de vue intellectuel. Il avait un sens, une passion de la vérité. Il pouvait avoir des mots durs à l'égard de ceux qui n'étaient pas dans la ligne de ce qu'il pensait être la vérité
(Biographie, pp. 194-195)